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paradoxes du pur devenir

  Platon nous conviait à distinguer deux dimensions : 1o ) celle des choses limitées et mesurées, des qualités fixes, qu’elles soient permanentes ou temporaires, mais toujours supposant des arrêts comme des repos, des établissements de présents, des assignations de sujets : tel sujet a telle grandeur, telle petitesse à tel moment ; 2o ) et puis, un pur devenir sans mesure, véritable devenir-fou qui ne s’arrête jamais, dans les deux sens à la fois, toujours esquivant le présent, faisant coïncider le futur et le passé, le plus et le moins, le trop et le pas-assez dans la simultanéité d’une matière indocile (« plus chaud et plus froid vont toujours de l’avant et jamais ne demeurent, tandis que la quantité définie est arrêt, et n’avancerait pas sans cesser d’être » ; « le plus jeune devient plus vieux que le plus vieux, et le plus vieux, plus jeune que le plus jeune, mais achever ce devenir, c’est ce dont ils ne sont pas capables, car s’ils l’achevaient, ils ne deviendraient plus, ils seraient... ») 1 .

  Nous reconnaissons cette dualité platonicienne. Ce n’est pas du tout celle de l’intelligible et du sensible, de l’Idée et de la matière, des Idées et des corps. C’est une dualité plus profonde, plus secrète, enfouie dans les corps sensibles et matériels eux-mêmes : dualité souterraine entre ce qui reçoit l’action de l’Idée et ce qui se dérobe à cette action. Ce n’est pas la distinction du Modèle et de la copie, mais celle des copies et des simulacres. Le pur devenir, l’illimité, est la matière du simulacre en tant qu’il esquive l’action de l’Idée, en tant qu’il conteste à la fois et le modèle et la copie. Les choses mesurées sont sous les Idées ; mais sous les choses mêmes n’y a-t-il pas encore cet élément fou qui subsiste, qui subvient, en deçà de l’ordre imposé par les Idées et reçu par les choses ? Il arrive même à Platon de se demander si ce pur devenir ne serait pas dans un rapport très particulier avec le langage : tel nous parait un des sens principaux du Cratyle. Peut-être ce rapport serait-il essentiel au langage, comme dans un « flux » de paroles, un discours affolé qui ne cesserait de glisser sur ce à quoi il renvoie, sans jamais s’arrêter ? Ou bien n’y aurait-il pas deux langages et deux sortes de « noms », les uns désignant les arrêts et des repos qui recueillent l’action de l’Idée, mais les autres exprimant les mouvements ou les devenirs rebelles 2 ? Ou bien encore ne serait-ce pas deux dimensions distinctes intérieures au langage en général, l’une toujours recouverte par l’autre, mais continuant à « subvenir » et à subsister sous l’autre ?

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